Le scanner doit-il remplacer la radiographie du thorax ?

Martina Martins Favre, radiologue – Imagerive – Clinique la Colline.

Entre 1985 et 2005, le nombre de scanners thoraciques (CT) a décuplé. Le nombre de radiographies du thorax (RX) n’a quant à lui pas diminué. Pourquoi ?

Depuis 20 ans, on a assisté à une évolution technologique fulgurante (1). Le scanner à faible dose (CT low-dose) est une nouvelle technique qui permet de réduire la dose d’irradiation de plus de 90% (2). Une seule acquisition de 4 secondes en apnée suffit pour détecter des nodules pulmonaires de petite taille, invisibles sur la radiographie du thorax. Cette technique permet – outre un diagnostic très précis – d’éviter les erreurs d’interprétation (ci-dessous) ; elle est notamment utile lors des artéfacts de surprojection visualisés sur la RX du thorax (3).

Bronchiectasies basales gauches avec atélectasie sousjacente. Comparaison entre la reconstruction coronale CT et la Radiographie du thorax de face

Reconstruction « average » à partir des images CT, possibilité de comprendre l’image visualisée sur la radiographie du thorax.

Le CT thoracique reste la meilleure technique d’analyse dans les cas de pathologie interstitielle débutante ou d’embolie pulmonaire. Il permet une cartographie détaillée de l’anatomie thoracique avec une bonne corrélation anatomo-pathologique (4). Naviguer à l’intérieur des bronches ou mesurer le volume des micronodules devient aisé.

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Bronchoscopie virtuelle. Images acquises à partir d’une série des coupes scanographiques.

La radiographie du thorax est un examen facile à réaliser, peu coûteux, peu irradiant (0,02 msv) et sans danger. Elle apporte de multiples informations médicales à condition d’être interprétée de façon adéquate et systématique. Depuis 10 ans maintenant, la RX numérique a supplanté la RX analogique. De qualité supérieure, elle permet de voir la structure anatomique de manière plus fine avec des doses d’irradiations plus basses. Grâce au fenêtrage, il n’y a plus d’erreur d’exposition et l’on peut désormais obtenir plusieurs originaux.(5,6)

Faut-il réaliser une RX du thorax préopératoire ?

Les recherches montrent que la fréquence des trouvailles pathologiques augmente avec l’âge. La proportion de RX pathologique est de 0,3 à 52%, quand bien même ce résultat a peu de répercussions dans la gestion de l’anesthésie, voire l’annulation du geste opératoire (de 0 à 3,8% des cas). Pour les jeunes patients en bonne santé habituelle – selon la littérature – il n’y a pas de nécessité de réaliser une RX avant le geste opératoire. Nous recommandons une RX de face pour les patients de plus 70 ans(6). Pour les personnes de plus de 85 ans, nous suggérons la RX de face et de profil(7).

La RX de profil évite la superposition de plusieurs structures anatomiques et permet ainsi d’observer de façon plus précise les 3 régions ci-dessus.

Dépistage du cancer du poumon

L’utilité d’un dépistage systématique chez les fumeurs n’a pas été démontrée dans la mesure où cet examen doit avoir une incidence sur la mortalité. Cette notion est en train de changer suite aux résultats préliminaires des études prospectives randomisées réalisées depuis 10 ans(8). D’après une étude japonaise, les cancers diagnostiqués par CT n’étaient visibles que sur 25% des RX du thorax(9). En effet, celle-ci présente une sensibilité réduite dans la détection d’un cancer pulmonaire. Cependant sa détection à un stade précoce à l’aide d’un Ct thoracique à faible dose semble être prometteuse. Un sujet de débat complexe avec ses partisans et adversaires (9,10).

Suspicion d’embolie pulmonaire

En cas de suspicion d’embolie pulmonaire, la RX du thorax est limitée. Après s’être basé sur la probabilité clinique et l’examen physique et avoir dosé les D-dimères, un angio-CT thoracique est d’emblée recommandée(11).

Quand contrôler un foyer pulmonaire ?

Il existe toujours un retard entre la clinique et l’image radiologique. Le délai de contrôle en cas de pneumonie est de 6 semaines après le début du traitement antibiotique. Entre le 14ème et le 21ème jour en cas de pneumonie compliquée(11).

En conclusion

La RX du thorax est toujours utile, voire essentielle pour autant qu’elle soit interprétée de façon cartésienne. Elle présente un faible coût et permet d’éviter la multiplication d’examens inutiles(7). Un groupe d’étude français a réalisé récemment une évaluation des principales indications et “non indications” de la radiographie du thorax. Elle a été base sur une recherche documentaire de 2000 à 2008 et sur un groupe de travail pratique mutidisciplinaire. Cette étude a abouti à un protocole de référence disponible online (11). N’hésitez pas à le consulter, le document est détaillé et très enrichissant.

Discours de la méthode – méthode pratique d’interprétation de la radiographie du thorax de face et de profil. Cours d’apprentissage.

Références bibliographiques

  1. Monnier-Cholley L, Arrivé L, Porcel A, Shehata K, Dahan H, Urban T et al. Characteristics of missed lung cancer on chest radiographs: a French experience. Eur Radiol. 2001;11:597-605.
  2. Van den Bergh KA, Essink-Bot ML, Bunge EM, Scholten ET, Prokop M, van Iersel CA, van Klaveren RJ, de Koning HJ. Impact of computed tomography screening for lung cancer on participants in a randomized controlled trial (NELSON trial).Cancer. 2008 May 16.
  3. Coussement A. Poumon normal. Encycl. Méd Chir, ed Elsevier, Paris. Radiodiagnostic– Cœur-Poumon. 1998;32-330-A-10.
  4. Frija J. Radiologie du thorax. ed Masson, Paris.1995.
  5. Aberle DR, Black WC, Goldin JG, et al. Experimental design and outcomes of the national lung screening trial (NLST) : A multicenter randomized controlled trial of helical CT vs. Chest X ray for lung cancer screening. Am J Respir Crit Care Med 2003 ; 167 : A736.
  6. Lim EHL, Liu EH. The usefulness of routine preoperative chest X-rays and ECGs: a prospective audit. Singapore Med J 2003 vol 44(7):340-343
  7. Giron J, Sénac JP. Manuel d’imagerie thoracique. Le profil, ed Sauramps Medical, Montpellier. 1995
  8. Lung cancer trial results show mortality benefit with low-dose CT:http://www.cancer.gov/newscenter/pressreleases/NLSTresultsRelease
  9. Swenson SJ, Jett JR, Sloan JA, et al. Screening for lung cancer with Low-dose Spiral computed Tomography. Am J Respir Crit Care Med 2002 ; 165 :508-13.
  10. Burger IM, Kass NE, Sunshine JH, Siegelman SS. The Use of CT for Screening: A National Survey of Radiologists’ Activities and Attitudes. Radiology. 2008 May 15.
  11. Haute Autorité de santé. Service d’évaluation des actes professionnels/février 2009 . Principales indications et non-indications de la radiographie du thorax – Rapport d’évaluationtechnologique.http://www.hassante.fr/portail/jcms/c_755008/indications-et-non-indications-de-la-radiographie-du-thorax